lundi 17 mars 2025

L'herbe est bleue

 Un âne dit au tigre :

— L'herbe est bleue.
Le tigre rétorque :
— Non, l'herbe est verte.
La dispute s'envenime et tous deux décident de soumettre leur différend à l’arbitrage du lion, le roi de la jungle.
Bien avant d’atteindre la clairière où le lion se repose, l’âne se met à crier :
— Votre Altesse, n’est-ce pas que l’herbe est bleue ?
Le lion lui répond :
— Effectivement, l’herbe est bleue.
L’âne, ravi, insiste :
— Le tigre n’est pas d’accord avec moi ! Il me contredit et cela m’ennuie. S’il vous plaît, punissez-le !
Le lion déclare alors :
— Le tigre sera puni de cinq ans de silence.
L’âne, fou de joie, s’éloigne en sautillant et répétant :
— L’herbe est bleue… l’herbe est bleue…
La leçon du lion
Le tigre accepte sa punition, mais demande une explication au lion :
— Votre Altesse, pourquoi m’avoir puni ? Après tout, l’herbe n’est-elle pas verte ?
Le lion répond calmement :
— En effet, l’herbe est verte.
Le tigre, encore plus surpris, questionne :
— Alors pourquoi me punissez-vous ?
Le lion explique alors :
— Cela n’a rien à voir avec la couleur de l’herbe.
— Ta punition vient du fait qu’il n’est pas possible qu’une créature courageuse et intelligente comme toi ait perdu son temps à discuter avec un fou et un fanatique.
— Il y a des gens qui, quelles que soient les preuves qu’on leur présente, ne sont pas en mesure de comprendre.
— D’autres, aveuglés par leur ego, leur haine et leur ressentiment, ne désirent qu’une seule chose : avoir raison, même lorsqu’ils ont tort.
Moralité
Ne perds jamais ton temps à argumenter avec des esprits fermés.
Quand l’ignorance crie, l’intelligence se tait.
Ta paix et ta tranquillité n’ont pas de prix.

samedi 15 mars 2025

Vieillir

 

Ce n'est pas facile de vieillir.
Il faut s'habituer à
marcher plus lentement,
dire adieu à celui que l'on était
et saluer celui que l'on est devenu.
Il est difficile de fêter un anniversaire.
Il faut apprendre à accepter son nouveau visage,
à marcher fièrement avec son nouveau corps,
à laisser tomber la honte,
les préjugés et les peurs qui viennent avec l'âge,
et laisser arriver ce qui doit arriver,
laisser partir ceux qui doivent partir,
et laisser rester ceux qui veulent rester.
Non, ce n'est pas facile de vieillir.
Il faut apprendre à n'attendre rien de personne,
à marcher seul, à se réveiller seul,
et à ne pas se reconnaître chaque matin,
la personne que l'on voit dans le miroir,
et accepter que tout est fini—
la vie aussi,
et savoir dire adieu à ceux qui partent,
se souvenir de ceux qui sont déjà partis,
et pleurer jusqu'à être vidé,
jusqu'à être desséché de l'intérieur,
pour que de nouveaux sourires puissent éclore,
de nouveaux espoirs et de nouveaux désirs.
 
— Alejandro Jodorowsky

 
 
 

 

vendredi 14 mars 2025

PASCAL ET VOLTAIRE : LA FOI ET LA RAISON

 PASCAL ET VOLTAIRE : LA FOI ET LA RAISON

Scène : Un salon du XVIIIe siècle, un feu de cheminée crépite dans l’âtre. Blaise Pascal, l’écrivain et philosophe du Grand Siècle, se tient assis dans un fauteuil, le regard grave. En face de lui, Voltaire, philosophe des Lumières, affiche un sourire moqueur, une coupe de vin à la main. La conversation s’engage…
Voltaire :
Ah, cher Pascal ! Je suis honoré de cet échange. Permettez-moi de vous dire que vos Pensées sont admirables, mais… à bien des égards, elles me semblent l’œuvre d’un esprit tourmenté, prêt à sacrifier la raison sur l’autel de la foi.
Pascal :
Monsieur de Voltaire, je vous rends hommage pour votre talent, mais vous confondez la raison et l’orgueil humain. Mon esprit cherche la vérité, et j’ai compris que la raison seule ne peut combler le vide de l’âme. Seule la foi nous élève au-delà de notre condition misérable.
Voltaire (souriant) :
Ah ! Voilà bien cette misanthropie janséniste dont vous êtes le héraut. Vous peignez l’homme en être misérable, accablé de péché, alors que je le vois perfectible, capable de progrès par la lumière de la raison.
Pascal :
Vous ne niez donc pas que l’homme est faible et corrompu ?
Voltaire :
Certes, il a ses travers, mais il est aussi doué d’intelligence, et c’est par elle qu’il s’élève. Or, que faites-vous ? Vous le jetez dans les bras d’un Dieu inconnaissable et capricieux, et vous lui demandez de renoncer à sa pensée critique !
Pascal :
Je ne renonce pas à la raison. Au contraire, je l’utilise pour montrer qu’elle a ses limites. La raison seule ne peut prouver ni infirmer l’existence de Dieu. C’est pourquoi j’ai proposé mon fameux pari : si Dieu existe et que vous croyez en Lui, vous gagnez tout ; s’Il n’existe pas, vous ne perdez rien. Mais si vous refusez d’y croire et que Dieu existe, alors vous perdez tout.
Voltaire (riant) :
Ah ! Votre pari… C’est donc un jeu de hasard que vous proposez à l’humanité ? Croire par calcul ? Quelle triste religion que celle qui naît d’un raisonnement d’arithméticien !
Pascal :
Vous moquez-vous de la prudence ? Lorsqu’il s’agit d’un enjeu aussi grand que le salut de l’âme, un homme sensé ne devrait-il pas considérer la possibilité de l’existence de Dieu ?
Voltaire (secouant la tête) :
Vous oubliez que votre Dieu est celui d’une Église qui a brûlé des hérétiques, censuré les esprits libres et semé l’intolérance. Moi, je défends un Dieu de raison, un Être suprême qui ne demande ni crainte ni soumission aveugle.
Pascal :
Mais sans révélation divine, votre Dieu reste une abstraction froide. La raison ne suffit pas à combler le besoin de justice de l’homme. Seule la foi donne un sens à l’existence, une espérance face à la mort.
Voltaire (plus sérieux) :
Certes, la question de la mort trouble même les esprits les plus éclairés. Mais c’est précisément pour cela que je refuse d’ajouter des illusions à nos peurs. Mieux vaut combattre l’injustice sur cette terre, améliorer la condition humaine, plutôt que d’attendre un salut incertain dans un autre monde.
Pascal :
Vous placez votre espoir dans le progrès, mais l’homme, livré à lui-même, est condamné à l’erreur. Regardez autour de vous : la science progresse, et pourtant l’injustice demeure. Sans Dieu, tout est permis, et la morale s’effondre.
Voltaire (prenant une gorgée de vin) :
Voyez-vous, cher Pascal, c’est là où nous différons. Vous cherchez le salut dans l’au-delà, tandis que moi, je veux rendre ce monde plus juste. Je combats l’obscurantisme, mais je ne condamne pas l’espérance. Simplement, je pense qu’elle doit s’enraciner dans l’ici et maintenant.
Pascal (soupirant) :
Peut-être, Monsieur de Voltaire. Mais viendra le jour où l’homme, face à l’absurde, se demandera : pourquoi suis-je ici ? Et alors, il ne lui restera qu’un choix : le néant ou Dieu.
Conclusion :
Dans cet échange, Voltaire incarne la raison et la quête du progrès humain, tandis que Pascal défend la foi comme réponse aux limites de la rationalité. L’un veut libérer l’homme par la connaissance, l’autre voit en Dieu la seule vérité capable de donner un sens à l’existence. Pourtant, malgré leurs divergences, leur dialogue révèle une tension féconde : celle entre la raison et la foi, entre l’immanence et la transcendance, entre la lumière de l’esprit et l’obscurité du mystère.



jeudi 13 mars 2025

Reflets du temps

 

Des scientifiques confirment l'existence incroyable des reflets du temps

lundi 10 mars 2025

Helen Mirren

 Helen Mirren a dit un jour :

"Avant d’entrer dans une dispute avec quelqu’un, demandez-vous : cette personne est-elle mentalement assez mûre pour comprendre ce qu’est une perspective différente ? Car si ce n’est pas le cas, cela ne sert strictement à rien." Toutes les batailles ne méritent pas d’être livrées. Parfois, peu importe à quel point vous exposez vos idées avec clarté, l’autre ne vous écoute pas pour comprendre, mais simplement pour réagir. Son esprit est figé dans sa propre vision du monde, incapable ou refusant d’envisager un autre point de vue. Insister ne fait alors que vous épuiser. Il existe une différence entre un échange constructif et un débat stérile. Une conversation avec quelqu’un d’ouvert d’esprit, qui valorise la réflexion et l’apprentissage, peut être enrichissante, même en cas de désaccord. Mais tenter de raisonner avec quelqu’un qui refuse de voir au-delà de ses croyances, c’est comme parler à un mur. Peu importe la logique ou la vérité que vous lui présentez, il détournera vos propos, les minimisera ou les rejettera. Non pas parce que vous avez tort, mais parce qu’il n’est pas prêt à envisager une autre réalité que la sienne. La maturité ne se mesure pas à qui remporte une dispute, mais à la capacité de reconnaître quand un débat n’a tout simplement pas lieu d’être. C’est comprendre que votre paix intérieure vaut bien plus que le besoin d’avoir raison face à quelqu’un qui a déjà décidé de ne pas changer d’avis. Toutes les luttes ne méritent pas votre énergie. Toutes les personnes ne méritent pas vos explications. Parfois, la plus grande preuve de sagesse est de s’éloigner. Non pas parce que vous n’avez rien à dire, mais parce que vous savez que certaines oreilles ne sont pas prêtes à entendre. Et cela ne vous appartient pas. Quand pensez-vous qu’une discussion bascule du dialogue constructif au débat stérile ?

dimanche 9 mars 2025

saint Jean

 

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean

01 AU COMMENCEMENT était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu.

02 Il était au commencement auprès de Dieu.

03 C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.

04 En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ;

05 la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.

06 Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean.

07 Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui.

08 Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.

09 Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde.

10 Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu.

11 Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu.

12 Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom.

13 Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu.

14 Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.

15 Jean le Baptiste lui rend témoignage en proclamant : « C’est de lui que j’ai dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. »

16 Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce ;

17 car la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.

18 Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître.

19 Voici le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? »

20 Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement : « Je ne suis pas le Christ. »

21 Ils lui demandèrent : « Alors qu’en est-il ? Es-tu le prophète Élie ? » Il répondit : « Je ne le suis pas. – Es-tu le Prophète annoncé ? » Il répondit : « Non. »

22 Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? »

23 Il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. »

24 Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens.

25 Ils lui posèrent encore cette question : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? »

26 Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ;

27 c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. »

28 Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où Jean baptisait.

29 Le lendemain, voyant Jésus venir vers lui, Jean déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ;

30 c’est de lui que j’ai dit : L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était.

31 Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. »

32 Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui.

33 Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.”

34 Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »

35 Le lendemain encore, Jean se trouvait là avec deux de ses disciples.

36 Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. »

37 Les deux disciples entendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus.

38 Se retournant, Jésus vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? »

39 Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C’était vers la dixième heure (environ quatre heures de l’après-midi).

40 André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu la parole de Jean et qui avaient suivi Jésus.

41 Il trouve d’abord Simon, son propre frère, et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie » – ce qui veut dire : Christ.

42 André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kèphas » – ce qui veut dire : Pierre.

43 Le lendemain, Jésus décida de partir pour la Galilée. Il trouve Philippe, et lui dit : « Suis-moi. »

44 Philippe était de Bethsaïde, le village d’André et de Pierre.

45 Philippe trouve Nathanaël et lui dit : « Celui dont il est écrit dans la loi de Moïse et chez les Prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus fils de Joseph, de Nazareth. »

46 Nathanaël répliqua : « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? » Philippe répond : « Viens, et vois. »

47 Lorsque Jésus voit Nathanaël venir à lui, il déclare à son sujet : « Voici vraiment un Israélite : il n’y a pas de ruse en lui. »

48 Nathanaël lui demande : « D’où me connais-tu ? » Jésus lui répond : « Avant que Philippe t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. »

49 Nathanaël lui dit : « Rabbi, c’est toi le Fils de Dieu ! C’est toi le roi d’Israël ! »

50 Jésus reprend : « Je te dis que je t’ai vu sous le figuier, et c’est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. »

51 Et il ajoute : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. »

vendredi 7 mars 2025

l’intégrale de chemin

 

La réalité, somme de tous les possibles ?

Inventée par le physicien Richard Feynman, « l’intégrale de chemin » a tout d’une formule magique : elle fonctionne à merveille, mais son sens fait débat. L’enjeu n’est rien d’autre que la compréhension du monde réel.

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physique quantique onde corpuscule

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La formule la plus puissante de la physique commence par un S élancé, le symbole d’une sorte de somme appelée « intégrale ». Un peu plus loin on croise un deuxième S, représentant une quantité connue sous le nom d’« action ». Ensemble, ces deux S sont l’essence (et même l’eSSence !) de l’équation sans doute la plus efficace jamais conçue pour prédire l’avenir. Son nom : l’intégrale de chemin de Feynman. Autant que les physiciens puissent en juger, elle prédit le comportement de tout système quantique – électron, rayon de lumière et même trou noir. On lui doit tant de succès que nombre de scientifiques y voient une fenêtre ouvrant sur le cœur même du réel.

Bien qu’elle orne des milliers de pages d’articles de physique, cette équation relève plus de la philosophie que de la recette rigoureuse. Elle suggère que notre réalité est un assemblage – une somme – de tous les possibles imaginables. Mais sans préciser exactement comment il faut additionner. En conséquence, depuis des décennies, les physiciens multiplient les approximations pour appliquer l’intégrale à différents systèmes physiques, avec assez de réussite pour que les plus intrépides visent l’intégrale de chemin ultime : celle qui, mixant toutes les formes possibles d’espace et de temps, accouche pile poil de « notre » univers. Hélas, la confusion est grande quand il s’agit de décider quelles possibilités exactes la somme doit prendre en compte.

Toutes pour une

La physique quantique a vraiment pris son envol en 1926, quand Erwin Schrödinger décrivit, dans l’équation qui porte son nom, comment les états ondulatoires des particules évoluent à tout moment. Puis Paul Dirac proposa sa vision, différente, d’un monde quantique fondé selon lui sur le « principe de moindre action » – schématiquement, entre A et B, la route empruntée est forcément la plus économe en temps et en énergie. En enrichissant cette idée, Richard Feynman a dévoilé son intégrale de chemin en 1948.

Le cœur de sa philosophie se révèle dans l’expérience fondatrice de la double fente de Young. À l’aide de particules, on bombarde une barrière percée de deux fentes et on observe le résultat sur un mur derrière. S’il s’agissait de balles, une série d’impacts se formerait derrière chaque fente. Mais les particules, elles, atteignent le mur sous forme de bandes alternées. Cela suggère que, au travers des fentes, circule en réalité une onde représentant les positions possibles de la particule. Les deux fronts d’onde qui émergent interfèrent l’un avec l’autre, dessinant des pics où la particule a le plus de chance d’être détectée.

Ces franges d’interférence sont de la plus haute bizarrerie : elles impliquent que les deux chemins possibles empruntés par les particules à travers la barrière ont une réalité physique. L’intégrale de chemin suppose que les particules se comportent ainsi, qu’il y ait ou pas fente et barrière. Ajoutez une troisième fente, et la figure d’interférence s’adaptera pour refléter la nouvelle route possible. Balafrez la barrière jusqu’à ce qu’elle ne soit plus que fentes ; puis remplissez tout l’espace avec ce genre de barrière percée. D’une certaine manière, toute particule traversant cet espace passe par toutes ces fentes, même si sa route étrange multiplie les détours sous forme de loopings. Tout ça pour que, additionnées correctement, toutes ces options se comportent comme s’il n’y avait aucune barrière : en formant un simple point lumineux sur le mur.

Cette vision du comportement particulaire est radicale, mais nombre de physiciens la prennent au sérieux. « Pour moi, c’est complètement réel », est convaincu Richard McKenzie, de l’université de Montréal, au Canada. Comment diable une infinité de routes incurvées peuvent-elles finir en ligne droite ? En caricaturant, l’astuce de Feynman consiste à considérer chaque route, calculer son action (le temps et l’énergie requis pour parcourir le chemin), et en tirer un nombre appelé « amplitude », dont le carré indique la probabilité qu’une particule prenne cette route particulière. La somme de toutes les amplitudes donne l’amplitude totale d’une particule en mouvement entre ici et là – l’intégrale de tous les chemins.

Dit naïvement, une route en lacets est tout aussi probable qu’une droite, parce que chaque trajectoire individuelle a une amplitude de même taille. Ces amplitudes s’expriment par des nombres complexes – et c’est crucial. À la différence des nombres réels, semblables à un point sur une ligne, les complexes sont comme des flèches. Ils pointent dans des directions différentes, pour différents chemins. En conséquence, pour une particule en déplacement, les amplitudes des trajectoires plus ou moins rectilignes pointent toutes dans la même direction. Elles s’amplifient l’une l’autre, alors que les trajectoires sinueuses pointent chacune dans une direction, et finissent par se neutraliser. Seule la ligne droite demeure, ainsi est démontré comment un chemin de moindre action, unique, émerge d’une infinité d’options quantiques. Feynman a montré que son intégrale de chemin équivaut à l’équation de Schrödinger. Sa méthode a pour avantage d’aborder le monde quantique de façon plus intuitive : sommez tous les possibles !

La somme de toutes les vagues

Les physiciens ont vite compris que les particules étaient des excitations des champs quantiques – des entités qui remplissent l’espace avec des valeurs en tout point. Là où une particule peut se déplacer d’un endroit à l’autre en suivant divers chemins, un champ peut onduler de diverses manières. Par bonheur, l’intégrale de chemin fonctionne aussi avec les champs quantiques. « Ce qu’il faut faire est évident, insiste Gerald Dunne, de l’université du Connecticut. Au lieu de faire la somme de tous les chemins, vous additionnez toutes les configurations de vos champs. » Vous identifiez les agencements initiaux et finaux, puis vous envisagez toutes les histoires possibles qui les relient.

En 1949, s’appuyant sur son intégrale, Feynman élabore une théorie quantique du champ électromagnétique. Des confrères s’efforcent de calculer les actions et amplitudes pour d’autres forces et d’autres particules. Quand des physiciens prédisent l’issue d’une collision au Grand collisionneur de hadrons du Cern, enfoui sous la frontière franco-suisse, l’intégrale du chemin sous-tend quantité de leurs calculs. La boutique du Cern propose même un mug affichant l’équation qui permet d’en calculer l’élément clé : l’action du champ quantique connu.

En dépit de son triomphe en physique, l’intégrale de chemin sème le trouble chez les mathématiciens. La particule en mouvement la plus simple dispose d’une infinité de chemins possibles. Avec les champs, c’est pire encore : car leur valeur peut changer d’une infinité de manières et dans une infinité de lieux. Avec ingéniosité, les physiciens savent faire face à cet édifice branlant truffé d’infinis, mais aux yeux des mathématiciens l’intégrale n’a jamais été conçue pour fonctionner dans un tel environnement. Avec humour, le physicien théoricien Yen Chin Ong, de l’université de Yangzhou, en Chine, n’hésite pas à affirmer que « c’est comme de la magie noire ».

Et pourtant, les résultats sont là, incontestables. Les physiciens sont même parvenus à estimer l’intégrale de chemin pour l’interaction forte, cette force extraordinairement complexe qui maintient ensemble les particules dans le noyau atomique. Pour y parvenir, ils ont réussi deux coups de « pirates ». Tout d’abord, ils ont fait du temps un nombre imaginaire, une astuce étrange qui transforme les amplitudes en nombres réels. Puis ils ont réussi une approximation du continuum espace-temps, infini, sous forme d’une grille finie. Les adeptes de cette approche de la théorie quantique des champs « sur le réseau » utilisent l’intégrale de Feynman pour calculer les propriétés des protons et autres particules soumises à l’interaction forte, triomphant de mathématiques encore chancelantes pour obtenir des réponses solides qui concordent avec les expérimentations.

De quoi l’espace-temps est-il la somme ?

Toutefois, le plus grand mystère de la physique théorique demeure hors de portée de toute expérience. Les physiciens souhaitent comprendre l’origine quantique de la force de gravité. En 1915, dans sa grande refonte théorique, Albert Einstein a fait de la gravité le résultat d’une courbure dans la trame de l’espace-temps. Il a révélé que la longueur d’un bâton de mesure et le tic-tac d’une horloge changent selon l’endroit : en d’autres termes, il a fait de l’espace-temps un champ malléable. Puisque les autres champs sont de nature quantique, la plupart des physiciens s’attendent à ce que l’espace-temps le soit aussi, et que l’intégrale de chemin rende compte de ce comportement.

La philosophie de Feynman est sans ambiguïté : les physiciens doivent faire la somme de toutes les formes possibles de l’espace-temps. Mais en regardant de près la forme de l’espace et du temps, qu’est-ce qui est possible, exactement ? Que l’espace-temps puisse se diviser, par exemple en séparant un lieu d’un autre, cela est concevable. Qu’il puisse être perforé par des tubes – ou trous de vers – connectant un lieu à un autre aussi. Les équations d’Einstein autorisent ces formes exotiques, mais interdisent les changements qui pourraient y conduire ; en effet, les déchirures ou les fusions dans la trame violeraient le principe de causalité et soulèveraient le paradoxe du voyage dans le temps. Nul ne sait si une telle audace et plus encore est permise à l’échelle quantique, si bien que les physiciens hésitent à injecter dans « l’intégrale de chemin gravitationnelle » cet espace-temps aux allures d’emmental.

Un camp, néanmoins, soupçonne qu’on peut tout y ranger. Stephen Hawking, par exemple, s’est fait le héraut d’une intégrale de chemin compatible avec les déchirures, trous de vers, beignets et autres variations « topologiques » sauvages. Pour rendre les mathématiques plus faciles d’emploi, il s’appuie sur le tour de pirate qui consiste à exprimer le temps en nombre imaginaire. En effet, rendre le temps imaginaire en fait une dimension supplémentaire de l’espace. Sur une scène désormais intemporelle, il n’y a plus de notion de causalité que les trous de ver ou les univers déchirés puissent venir gâcher. Cette intégrale de chemin hors du temps et « euclidienne », Hawking l’utilise pour soutenir que le temps trouve son origine dans le Big Bang et pour dénombrer les « briques » d’espace-temps à l’intérieur d’un trou noir. Récemment, d’autres chercheurs ont employé l’approche euclidienne pour défendre l’hypothèse qu’un trou noir en fin de vie laisse fuiter de l’information.

Voilà qui « semble être le point de vue le plus riche à épouser, note Simon Ross, de l’université de Durham, au Royaume-Uni. L’intégrale de chemin gravitationnelle, définie de façon à inclure toutes les topologies, a des propriétés magnifiques que nous ne comprenons pas encore tout à fait ».

Aux yeux de certains physiciens, le prix à payer est néanmoins exorbitant. Abandonner un élément du réel aussi structurant que le temps est pour eux inacceptable. L’intégrale de chemin euclidienne « est vraiment totalement non physique », n’hésite pas à contester Renate Loll, de l’université Radboud, à Nimègue, aux Pays-Bas. Son camp s’efforce de conserver le temps dans l’intégrale du chemin, dans le cadre de l’espace-temps que nous connaissons et aimons, celui dans lequel les causes précèdent strictement les effets. L’intégrale de chemin est alors bien plus redoutable, mais après des années à chercher des façons d’en trouver une approximation Renate Loll a fini par trouver des indices encourageants. Dans un article, avec ses collaborateurs, elle a par exemple additionné un ensemble de formes standard de l’espace-temps (chacune représentée, en première approximation, par un matelas de minuscules triangles) et obtenu quelque chose comme notre Univers – ce qui équivaut, pour l’espace-temps, à montrer que les particules se meuvent en ligne droite.

D’autres ont fait avancer l’intégrale de chemin euclidienne, en prenant en considération tous les changements topologiques. En 2019, des chercheurs ont défini avec rigueur une intégrale complète – pas une approximation – pour des univers à deux dimensions, mais les outils mathématiques utilisés ont fini par brouiller le sens que cela pourrait avoir dans la réalité physique. De tels travaux ne font qu’accroître l’impression, chez les physiciens et les mathématiciens, que l’intégrale de chemin détient un pouvoir qui ne demande qu’à être maîtrisé. « Peut-être n’avons-nous pas encore tout défini dans le détail », veut bien reconnaître Yen Chin Ong. Mais la confiance est là. « Ce n’est qu’une question de temps. »

lundi 3 mars 2025

BOHEMIAN RHAPSODY

 

POURQUOI LA CHANSON "BOHEMIAN RHAPSODY" S'APPELLE-T-ELLE COMME ÇA ? DE QUOI PARLE VRAIMENT CETTE CHANSON ?
 
Aujourd'hui, je veux vous parler d'une chanson iconique dont l'histoire est largement inconnue, ainsi que de la raison pour laquelle elle est devenue un pilier de l'histoire de la musique occidentale. En tant que musicien, j'apprécie comprendre la signification derrière certaines compositions et leurs origines.
Ce post résulte d'un effort de recherche spécial, et j'espère que vous le trouverez intéressant. Commençons ? Oui, commençons.
 
"Bohemian Rhapsody" a été entendue pour la première fois le 31 octobre 1975. Elle s'appelle ainsi parce que "rhapsody" est une pièce musicale libre composée de différentes sections et thèmes, où aucune partie ne semble directement reliée à une autre. Le mot "rhapsody" vient du grec et signifie "parties assemblées d'une chanson". Le terme "bohemian" fait référence à une région de la République tchèque appelée la Bohême, le lieu de naissance de Faust, le protagoniste de la pièce qui porte son nom, écrite par le dramaturge et romancier Johann Wolfgang von Goethe.
 
La composition de Queen englobe toute une tradition littéraire et musicale, et ses références à différentes religions enrichissent encore sa signification, faisant de cette chanson un chef-d'œuvre qui est entré dans l'histoire, non seulement musicalement, mais aussi à travers son clip révolutionnaire. Ce clip a aidé à mythologiser le groupe et leur chanteur, en partie grâce à la décision audacieuse de produire une chanson qui dépassait largement le format radio classique de trois minutes. Parce que ce n'était pas juste une simple chanson, c'était un poème rock !
 
Dans l'œuvre de Goethe, Faust est un vieil homme d'une grande intelligence qui sait tout sauf le mystère de la vie. Incapable de le comprendre, il décide de se suicider. Juste à ce moment-là, les cloches de l'église sonnent, ce qui le pousse à sortir. Lorsqu'il revient dans sa chambre, il trouve un chien, qui se transforme alors en un être ressemblant à un homme. C'est le diable, Méphistophélès, qui promet à Faust une vie épanouie, sans malheur, en échange de son âme. Faust accepte, retrouve sa jeunesse et devient arrogant. Il rencontre Gretchen, et ils ont un enfant, mais sa femme et son enfant meurent. Faust voyage à travers le temps et l'espace, se sentant puissant. Cependant, en vieillissant à nouveau, il se retrouve une fois de plus malheureux. Parce qu'il n'a pas rompu son pacte avec le diable, des anges se battent pour son âme.
 
Cette histoire est essentielle pour comprendre "Bohemian Rhapsody". La chanson parle en fait de Freddie Mercury lui-même. Puisque c'est une rhapsodie, elle se compose de sept sections distinctes :
 
Introduction a cappella
Ballade
Solo de guitare
Section opéra
Section rock
Outro (ou acte final)
 
Les paroles racontent l'histoire d'un jeune homme pauvre qui se demande si la vie est réelle ou si elle n'est qu'un produit de son imagination déformée. Il dit que même s'il devait mourir, le vent continuerait de souffler comme si son existence n'avait jamais compté. Il conclut un marché avec le diable et vend son âme.
Après avoir pris cette décision, il court annoncer la nouvelle à sa mère et avoue : "Mama, just killed a man, put a gun against his head, pulled my trigger, now he's dead. Threw my life away. If I’m not back again this time tomorrow, carry on as if nothing really matters…"
 
L'homme qu'il a "tué" est lui-même—Freddie Mercury, symboliquement parlant. S'il ne respecte pas son pacte avec le diable, il mourra immédiatement. Il fait ses adieux à ses proches, et sa mère éclate en sanglots—ses pleurs et ses cris désespérés résonnent à travers les notes de guitare de Brian May. Freddie, terrifié, crie : "Mama, I don't wanna die," et la section opératique commence.
À ce moment-là, Freddie entre dans un plan astral où il se voit lui-même : "I see a little silhouetto of a man." Puis vient la ligne, "Scaramouche, will you do the Fandango ?"
 
Scaramouche fait référence à une escarmouche mineure, une bataille entre forces—probablement une allusion aux Quatre Cavaliers de l'Apocalypse représentant le mal, se battant contre les forces du bien pour l'âme de Freddie. Il continue : "Thunderbolt and lightning, very, very frightening me." Cette phrase apparaît dans la Bible, spécifiquement dans Job 37, où il est écrit : "The thunder and lightning frighten me; my heart pounds in my chest."
 
Voyant son fils si effrayé, la mère supplie Dieu de le sauver de son pacte avec Méphistophélès : "He's just a poor boy… Spare him his life from this monstrosity. Easy come, easy go, will you let me go ?"
Ses prières sont entendues, et des anges descendent pour combattre les forces du mal. "Bismillah !" (un mot arabe signifiant "Au nom de Dieu") apparaît, ce qui est le premier mot dans le Coran. Puis, Dieu lui-même intervient, proclamant : "We will not let you go !"
 
Face à une telle bataille entre le bien et le mal, Freddie craint pour la vie de sa mère et crie : "Mama mia, mama mia, let me go !" Mais les anges réaffirment : "We will not let you go !"
 
Freddie chante alors : "Beelzebub has a devil put aside for me." Ici, il rend hommage à Wolfgang Amadeus Mozart et Johann Sebastian Bach lorsqu'il chante : "Figaro, Magnifico," en faisant référence à Les Noces de Figaro (considéré comme le plus grand opéra de l'histoire) et au Magnificat de Bach.
 
La section opératique se termine, et la section rock commence. Le diable, furieux de la trahison de Freddie pour ne pas avoir respecté le pacte, ricane : "So you think you can stone me and spit in my eye? So you think you can love me and leave me to die?"
 
Il est frappant de voir à quel point le Prince des Ténèbres semble impuissant face à la volonté humaine, à la repentance et à l'amour. Ayant perdu la bataille, le diable s'en va, ce qui mène à l'acte final, ou coda.

Matière noire