mercredi 24 décembre 2025

L’AMÉRIQUE DE TRUMP

 ILS BANNISSENT, ILS MENACENT, ILS PRÊCHENT LA LIBERTÉ

LANCINANTE CHRONIQUE DE L’AMÉRIQUE DE TRUMP ET D’UNE SOUVERAINETÉ À GÉOMÉTRIE VARIABLE
Ce matin, à la lecture de l'actualité, je reviens sur un fait précis, documenté, et pourtant révélateur d’un basculement plus large.
En effet, les États-Unis ont décidé d’interdire l’entrée sur leur territoire à plusieurs personnalités européennes engagées dans la régulation du numérique et la lutte contre la haine en ligne. Parmi elles figure Thierry Breton, ancien commissaire européen, mais aussi des responsables d’organisations non gouvernementales, des chercheurs, des acteurs civiques dont l’activité consiste à documenter la désinformation, les discours haineux et les dérives des grandes plateformes. Aucun extrémiste. Aucun propagandiste de la violence. Des personnes dont le tort est d’avoir voulu fixer des règles à des acteurs devenus plus puissants que nombre d’États.
LA LIBERTÉ D’EXPRESSION SELON WASHINGTON : BANNIR POUR PROTÉGER
Washington invoque la liberté d’expression et la souveraineté du peuple américain. J’ai relu l’argument attentivement, par souci d’exactitude. Le Digital Services Act, voté par le Parlement européen et adopté à l’unanimité des États membres, ne s’applique qu’au marché européen. Il ne régit pas le débat public américain et n’impose aucune norme aux citoyens des États-Unis. Il rappelle simplement que ce qui est illégal hors ligne ne devient pas légal parce qu’il circule sur une plateforme américaine et rapporte de l’argent. Une position manifestement si radicale qu’elle justifie désormais des sanctions diplomatiques.
RÉGULER N’EST PAS CENSURER, SANCTIONNER N’EST PAS DÉBATTRE
La méthode choisie par Washington est d’une grande sobriété. Pas de contentieux juridique. Pas de débat institutionnel. Des interdictions de visas. On ne conteste pas les règles, on neutralise ceux qui les portent. La liberté d’expression, manifestement, se défend mieux quand l’adversaire reste à distance.
FRONTIÈRES NUMÉRIQUES, FRONTIÈRES POLITIQUES
Hier encore, j’écrivais sur les contrôles numériques aux frontières américaines, sur ces fouilles d’appareils électroniques, ces interrogatoires sans cadre clair, ces refoulements documentés par la presse américaine elle-même, visant des chercheurs, des journalistes ou de simples voyageurs. Le bannissement de responsables européens s’inscrit dans cette même logique. Quand la discussion devient inconfortable, on la déplace du terrain des idées vers celui de la contrainte administrative.
LIBERTÉ CONDITIONNELLE : UNIVERSITÉS, LIVRES, JOURNALISTES
Pendant que Washington accuse l’Europe de censure, la situation intérieure américaine mérite un regard sans emphase. Pressions exercées sur les universités, chercheurs publiquement stigmatisés, étudiants arrêtés lors de mobilisations politiques, visas retirés, livres retirés des bibliothèques scolaires, phénomène documenté par PEN America qui parle de milliers d’ouvrages concernés. Des études universitaires sont dénoncées comme idéologiques pour avoir abordé le racisme, le genre ou le climat. La liberté d’expression, bien sûr, reste proclamée. Elle devient simplement conditionnelle.
La presse indépendante, dans ce paysage, continue d’être traitée comme un adversaire structurel. Les insultes répétées, les accusations de mensonge, les restrictions d’accès aux institutions fédérales et les menaces budgétaires contre des médias publics comme NPR ou PBS ne relèvent pas de l’anecdote.
QUAND L’INVESTIGATION DÉRANGE, ON ÉTEINT LA LUMIÈRE
Plus récemment encore, une enquête de grande ampleur du programme 60 Minutes consacrée à la prison CECOT au Salvador a été retirée de la diffusion à la dernière minute par la direction de CBS, alors même qu’elle avait été validée sur le plan éditorial et juridique. L’enquête portait sur le sort de personnes expulsées des États-Unis après avoir été arrêtées par les agents de l’ICE, puis transférées dans cette méga-prison salvadorienne, symbole de la politique sécuritaire du président Nayib Bukele, dont le pouvoir autoritaire est largement documenté. La correspondante de l’émission elle-même a évoqué des pressions politiques. Il s’agissait pourtant d’un simple travail d’investigation. On peut appeler cela un choix éditorial. On peut aussi y voir une censure très appliquée.
INGÉRENCE POUR LES AUTRES, SOUVERAINETÉ POUR SOI
Sur la scène internationale, la cohérence du discours américain devient presque élégante. Washington dénonce l’extraterritorialité européenne tout en sanctionnant des ressortissants étrangers pour des actes accomplis hors du territoire américain. Il invoque la souveraineté des peuples tout en menaçant un pays européen, le Danemark, de s’approprier le Groenland, y compris par la force si nécessaire. Il dénonce l’ingérence, tout en laissant des figures centrales du trumpisme intervenir ouvertement dans la vie politique européenne.
J. D. Vance reprend publiquement les arguments des droites extrêmes du continent. Steve Bannon continue d’organiser et de théoriser une internationale réactionnaire assumée. Elon Musk utilise la plateforme qu’il contrôle comme un instrument d’intervention politique directe, soutenant des forces radicales européennes tout en dénonçant toute tentative de régulation comme une atteinte intolérable à la liberté. Curieusement, cette ingérence-là ne menace jamais la souveraineté des peuples.
SOUMISSION AU DROIT NON REQUISE : CPI, ONU, DROITS HUMAINS
Le précédent est éclairant. Avant les régulateurs européens du numérique, ce sont les juges de la Cour pénale internationale qui ont fait l’objet de sanctions américaines pour avoir enquêté sur des crimes de guerre, au nom du droit international. Plus récemment, la rapporteuse spéciale de l’ONU Francesca Albanese a subi pressions diplomatiques et campagnes de délégitimation pour avoir exercé son mandat avec rigueur, en s’appuyant sur le droit et les droits humains. Là encore, le message est limpide : le droit est tolérable tant qu’il reste abstrait. Lorsqu’il devient opérant, il devient hostile.
BIG TECH + POUVOIR POLITIQUE : DES MILLIARDS EN JEU
Je ne vois pas là une série de contradictions accidentelles. J’y vois une convergence d’intérêts. Donald Trump et les oligarques du numérique américain avancent ensemble dès lors que l’Europe tente de fixer des règles contraignantes. Derrière les proclamations martiales sur la liberté d’expression, il y a des enjeux très concrets, parfaitement mesurables, des milliards de dollars en jeu et des modèles économiques fondés sur l’absence de contraintes, la captation de l’attention et la monétisation de la conflictualité.
CE N’EST PAS LA LIBERTÉ QU’ILS DÉFENDENT, C’EST UN MODÈLE
La liberté d’expression ainsi brandie n’est ni universelle ni désintéressée. Elle protège les plateformes dominantes, les discours rentables et les alliés politiques. Elle devient soudain très exigeante lorsqu’il s’agit de sanctionner ceux qui cherchent à en fixer les limites démocratiques.
Quand un pouvoir bannit des chercheurs, des régulateurs, des responsables associatifs, des juges internationaux et contribue à faire taire des enquêtes journalistiques au nom de la liberté, ce n’est pas la liberté qu’il défend.
C’est un modèle économique et politique précis.
Et ce modèle supporte de plus en plus mal qu’on lui oppose des règles. Si je devais terminer par une question réthorique je dirais "Est-ce tolérable?"
Rudy Demotte

lundi 22 décembre 2025

Impasse stratégique

 

📌 Analyse froide d’une impasse stratégique
Les faits d’abord.
⚡Aujourd’hui, le renseignement américain est clair et sans ambiguïté :
Vladimir Poutine n’a jamais renoncé à ses objectifs de 2022.
🙅🏼‍♀️Son objectif n’est pas le Donbass, mais toute l’Ukraine🇺🇦, le démantèlement de son État, et à terme une remise en cause de l’ordre de sécurité européen — y compris les pays baltes et d’autres anciens États de l’espace soviétique.
Il ne s’agit ni d’une fuite médiatique, ni d’une interprétation militante, mais d’une évaluation officielle de la communauté du renseignement.
‼️Donald Trump a reçu ces briefings. Il peut les contester, mais il ne peut pas dire qu’il ne savait pas.
Nous ne sommes donc pas dans la situation où Trump serait mal informé.
❕Trump est informé.
⁉️Et pourtant, que voyons-nous ?
La directrice du renseignement, Tulsi Gabbard, commence déjà à expliquer que « les rapports ont été mal compris », tandis que Donald Trump continue à marteler publiquement la même ligne :
– « il faut faire pression sur l’Ukraine »,
– « céder le Donbass »,
– « Poutine s’arrêtera là ».
Cette position contredit frontalement l’analyse du renseignement américain.
La question devient donc centrale :
👉 sur quoi Donald Trump parie-t-il exactement ?
En laissant de côté, volontairement, toute hypothèse conspirationniste, trois explications rationnelles sont possibles.
Aucune n’est rassurante.
1️⃣ « Je sais, mais je m’en fiche » — le cynisme politique
Trump peut considérer qu’il ne cherche pas une paix durable, mais une image immédiate de “faiseur de paix”.
Ce qui se passera dans deux ou trois ans ne relève plus de son horizon politique.
Il accepte donc le risque de l’échec.☝️
Il sait que Poutine mentira probablement ou ira plus loin.
Mais son calcul est politique, pas stratégique.
Ce n’est pas de la naïveté.
C’est du cynisme assumé.
2️⃣ « Le renseignement se trompe, moi je saurai négocier » — l’erreur fatale😫
Trump ne fait pas confiance aux institutions :
– ni au renseignement,
– ni à la diplomatie,
– ni aux experts.
Il peut croire qu’ils exagèrent, qu’ils dramatisent, et que lui saura “faire un deal”.
Le problème est simple :
Poutine n’est ni un promoteur immobilier, ni un partenaire syndical.🙅🏼‍♀️
Ses objectifs sont idéologiques et existentiels.
Ils ne se négocient pas. Ce n’est pas un prix au mètre carré.
Si Trump croit sincèrement pouvoir “l’acheter”, c’est un effondrement total dans l’évaluation de l’adversaire.
3️⃣ « Je sais, mais je fais semblant de ne pas savoir » — le scénario le plus inquiétant
Ici, le renseignement fait son travail : il alerte publiquement, fixe les faits, documente la menace.
Pour que, demain, personne ne puisse dire : « on ne nous avait pas prévenus ».
Le politique, lui, choisit de passer outre, de minimiser, de réinterpréter.
Cela signifie que Donald Trump s’engage sciemment dans une stratégie que les professionnels jugent vouée à l’échec.
‼️☝️Le cœur du problème n’est pas l’Ukraine
L’Ukraine est la fixation personnelle de Poutine.
Elle est une menace existentielle pour le récit poutinien.
Une Ukraine libre, démocratique et européenne prouve qu’un autre modèle est possible — et cela fait exploser tout le narratif autoritaire russe.
C’est pourquoi les concessions ne désamorcent pas le conflit.
Elles le confirment.
Du point de vue de Poutine :
Si le Donbass est cédé, le reste suivra.
Le comportement de Donald Trump relève donc de l’un de ces trois choix :
– un cynisme conscient,
– une surestimation dangereuse de ses capacités,
– ou un calcul politique au mépris des conséquences.
Les trois sont catastrophiques.
Pour l’Ukraine.
Pour l’Europe.
Et, à terme, pour les États-Unis eux-mêmes.

mardi 16 décembre 2025

Tor

 VOICI UN INTERNET INVISIBLE CRÉÉ PAR UN GOUVERNEMENT.

Puis… abandonné volontairement au monde.
Résultat ?
2,5 MILLIONS de personnes l’utilisent chaque jour pour la liberté.
Sans être tracées.
Sans être identifiées.
Sans pouvoir être arrêtées.
Bienvenue dans l’histoire de Tor.
ÉTATS-UNIS, ANNÉES 1990
Un cauchemar que personne n’avait vu venir
Washington D.C., 1995.
Paul Syverson, mathématicien au Naval Research Laboratory (l’un des laboratoires les plus secrets de l’armée américaine), fixe son écran.
Et il comprend quelque chose de terrifiant :
Tout ce que tu fais sur Internet laisse une trace.
Chaque email.
Chaque site visité.
Chaque message.
Chaque clic.
Tout est traçable.
Archivable.
Exploitable.
Et là, une question stratégique surgit :
👉 Comment protéger des agents secrets si l’ennemi peut tout voir ?
LA QUESTION IMPOSSIBLE
Paul formule une idée qui semble folle en 1995 :
« Et si on créait un Internet où PERSONNE ne peut savoir ce que tu fais ?
Pas même nous.
Pas même l’État. »
Zéro traçabilité.
Zéro visibilité.
Zéro centre de contrôle.
Une hérésie pour l’époque.
Mais il commence à coder.
ONION ROUTING L’ARME SECRÈTE
Entre 1995 et 1998, Paul Syverson, David Goldschlag et Michael Reed inventent Onion Routing.
Le principe est révolutionnaire :
• Ton message est enveloppé en plusieurs couches de chiffrement
• Il transite par plusieurs relais
• À chaque étape, une couche est retirée
• Aucun relai ne connaît l’origine ET la destination
Comme un oignon 🧅
Chaque couche protège la suivante.
Résultat :
• Personne ne voit le message complet
• Personne ne sait d’où il vient
• Personne ne sait où il va
👉 Mathématiquement quasi impossible à tracer.
CLASSIFIÉ : SECRET DÉFENSE
La Navy brevète la technologie.
Statut : Secret Défense.
Usage prévu :
👉 Exclusivement militaire.
Les civils ?
Ils ne devaient jamais en entendre parler.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
LE MOMENT OÙ TOUT BASCULE
MIT Boston.
Deux jeunes programmeurs :
• Roger Dingledine (24 ans)
• Nick Mathewson (23 ans)
Startup en faillite.
Pas d’argent.
Pas d’avenir clair.
Roger assiste à une conférence sur la privacy.
Il y rencontre Paul Syverson.
Paul explique son problème :
« J’ai une bourse pour améliorer Onion Routing, mais plus personne pour coder. »
Roger répond :
« Et si je codais pour vous… en open source ? »
Un pari fou.
Un génie stratégique.
Paul accepte.
LA NAISSANCE DE TOR
Le projet s’appelle The Onion Routing Project.
Puis simplement : Tor.
Ils simplifient le code militaire.
Ils l’améliorent.
Ils le rendent accessible.
👉 Septembre 2002 : Tor est publié. Gratuitement. Open source.
Sans fanfare.
Sans communiqué.
Mais le monde venait de changer.
L’EXPLOSION SILENCIEUSE
Au début, Tor est utilisé par :
• des développeurs
• des chercheurs
• des journalistes
Puis…
🇨🇳 Chine
Des reporters communiquent sans être arrêtés.
🇮🇷 Iran
Des activistes s’organisent malgré la censure.
🇦🇫 Afghanistan
Des femmes contactent des ONG sans être surveillées.
🇸🇾 Syrie
Des preuves de crimes de guerre sont envoyées au monde entier.
Tor devient une bouée de survie numérique.
2013 : L’EFFET DOMINO
Printemps arabe.
Manifestations.
Coupures d’Internet.
Tor explose.
De quelques milliers d’utilisateurs…
👉 à plusieurs millions par jour.
Aujourd’hui :
2,5 MILLIONS d’utilisateurs quotidiens.
UNE INFRASTRUCTURE IMPOSSIBLE À DÉTRUIRE
Tor n’a pas de serveur central.
Il fonctionne grâce à :
👉 des milliers de volontaires dans le monde.
Des gens ordinaires qui hébergent des relais.
Sans argent.
Sans reconnaissance.
Par pur engagement.
Tu bloques un relai ?
Trois autres apparaissent.
Tor est une hydre numérique.
LE PARADOXE QUE LES ÉTATS DÉTESTENT
Oui, Tor est aussi utilisé pour le crime.
Environ 6–7 % des usages.
Mais 93 % servent à :
• la liberté d’expression
• la protection des sources
• la survie d’activistes
• la privacy basique
👉 Des millions de vies dépendent de Tor.
DES HÉROS SANS CÉLÉBRITÉ
Foreign Policy les classe parmi les 100 penseurs mondiaux.
Mais :
• Pas de fortune
• Pas de gloire
• Pas de pouvoir
Juste une idée.
Roger Dingledine dirige encore Tor en 2025.
Nick continue de sécuriser le code.
Paul observe sa création… libérer le monde.
LE MESSAGE QUE TOR INCARNE
« Chaque être humain mérite la vie privée.
Peu importe son pays.
Peu importe son gouvernement. »
C’est ça qui terrifie les États.
Parce qu’une idée sans centre…
👉 ne peut pas être détruite.
TOR, CE N’EST PAS QU’UNE TECHNOLOGIE
C’est une idée.
Une résistance silencieuse.
Une promesse.
👉 La liberté ne choisit pas qui elle protège.
Elle protège tout le monde.
Ou personne.
Et c’est pour ça que Tor existe.

L’AMÉRIQUE DE TRUMP

  ILS BANNISSENT, ILS MENACENT, ILS PRÊCHENT LA LIBERTÉ LANCINANTE CHRONIQUE DE L’AMÉRIQUE DE TRUMP ET D’UNE SOUVERAINETÉ À GÉOMÉTRIE VARIA...